… mon histoire d’Halloween…
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Assise sur le canapé, lovée dans les bras de Bouba mon gros ourson, je profite de cette soirée en célibataire pour regarder un bon vieux film sans prétention, une petite comédie où mon cerveau peut se mettre au repos sans craindre de perdre le fil de l’histoire. La tisane fumante sur la table basse attend sagement que je daigne y tremper les lèvres alors que l’assiette remplie de cookies subit déjà mes premiers assauts.
Dehors, il fait froid… Le vent de plus en plus violent fait tournoyer les feuilles mortes sur le parking de la résidence. Sur le balcon les quelques plants encore vivaces jouent les équilibristes.
Mais je n’y accorde aucune attention, tout est si calme, si serein, la douce berceuse du vent m’apaise, je me laisse aller à divaguer…
un bruit sourd, un cri…
Je sors de ma douce rêverie. Je tends l’oreille, je jette un oeil par la fenêtre, je fais le tour de l’appartement sans précipitation. Seule à la maison, il m’arrive souvent d’entendre mes enfants pleurer ou m’appeler, hallucination auditive habituelle de la maman délaissée.
Rien. Je retourne à ma flânerie, emmitouflée dans la couverture offerte par ma grand-mère à Noël, l’année dernière.
Un bruit sourd, un cri, un souffle…
Ce n’est pas celui du vent. Je le sens dans mon cou, chaud, humide, insistant… Je n’ose alors me retourner. Il y a derrière moi ce petit espace entre le canapé et le mur où mes petits aiment se cacher, ce petit refuge où ils cachent leurs trésors. En un instant il est devenu un lieu lugubre où « quelque chose », « quelqu’un » se terre depuis des mois, attendant que je sois seule pour m’avertir de sa présence…
J’ai peur… Mais le téléphone me sort de ma torpeur et cette présence insistante semble avoir disparue. Mon homme est au bout du fil. Il me parle de sa soirée chez ses parents, les petits dorment enfin, il va lui aussi rejoindre les bras de Morphée, il veut savoir si tout va bien. je me sens alors ridicule dans la quiétude de ce salon qui est le mien. Je le rassure. je me rassure.
Je raccroche. il me faut aller au lit, mes pérégrinations intérieures m’ont conduite à des délires d’adolescente en manque d’aventures…
Un bruit sourd, un cri, un souffle, un rire…
Pérégrinations, mon oeil !!!! Je n’ai pas rêvé, tous mes sens sont en éveil… Je ressens d’autant plus la chaleur de ce souffle terrifiant, les cris se multiplient, les rires moqueurs s’enchaînent… Je reste tétanisée sur mon canapé. Je dois fermer les yeux, je veux fermer les yeux… mais mon regard est comme irrémédiablement attiré par cette ombre sur le balcon qui semble se faufiler entre les arbustes qui résistent encore au vent.
Je dois me ressaisir… Tout ça n’a pas de sens… Je respire, je détourne mon regard… Il y a quelqu’un, là qui me regarde. Quelqu’un, quelque chose qui semble saluer cette autre présence derrière moi…
Une vitre se brise…
Il rentre, il veut rejoindre l’autre, il viennent pour moi, ils veulent s’en prendre à moi. A cet instant je bénis mon homme d’avoir voulu partir avec les enfants à cette fête de famille certes épuisante mais où ils seront en sécurité.
J’aimerais hurler mais aucun son ne sort, j’aimerais me lever, prendre ce couteau dans le tiroir de la cuisine en courant aussi vite que je peux, j’aimerais les défier du regard, leur dire avec force à quel point ils ne me font pas peur…
Mais je ne suis que spectatrice de ce qui est en train de m’arriver…
L’ombre contourne les débris au sol, le souffle n’en est plus un, je sens une pression sur ma main, je tremble, je n’arrive plus à respirer, je me sens partir, tout tourne autour de moi… L’ombre lève ses bras comme pour se fondre en moi; elle n’est plus seule désormais…
Je perds connaissance…
Autour de moi, il fait noir, les rires, toujours ces rires, ce souffle répugnant, ces cris terrifiants, j’ai l’impression que tout ne finira jamais…
Un bruit, un cri, un rire…
Le bruit d’une porte qui s’ouvre, le cri de ma fille cherchant sa maman, le rire de mon homme me voyant coucher au pied du canapé.
Un souffle…
Celui de mon homme encore, soupirant en voyant son arbuste qui, soumis au vent violent, a réduit en miettes la vitre de la porte-fenêtre du balcon.
Je me sens fatiguée, épuisée… « Et bien ma chérie, tu sembles avoir passé la nuit à te battre avec Bouba !!!! » Je ne dis rien, mes enfants me sautent dans les bras et se disputent déjà pour s’approprier mon gros ourson.
« Je savais que j’aurais du rentrer ces plants, bien fait pour moi ! »
Il est 10 heures, mes petits jouent dans leur chambre, se partageant les bonbons récoltés chez mamie. Je n’ai pas la force de leur dire que non, ce n’est pas le moment de s’empiffrer. Mon cher et tendre grogne en tentant de nous mettre à l’abri du vent, le temps de faire le gros des réparations. Nous sommes Vendredi, encore 3 jours à profiter des vacances, 3 jours à me demander ce qu’il s’est passé…
3 jours où je n’ai pu me résoudre à oublier cette nuit. 3 jours où je n’ai dit mot sur cette mésaventure…
3 jours et plus encore à sentir ce souffle, ces cris, ces rires, cette pression, cette ombre plongeant sur moi…