Fragile…

Il y a bientôt sept ans…

Je devrais être au travail mais je n’en ai plus la force, plus l’envie. D’ailleurs je n’ai plus envie de rien. Tout m’indiffère, me stresse ou m’angoisse, au choix. Je suis seule, désespérément seule… J’ai des gens autour de moi, peu, mais ils sont là. Pourtant, je ne ressens qu’un grand vide. Cela fait déjà plusieurs années que cette solitude est mienne. Le plus souvent elle me convient, je suis une solitaire dans l’âme. Je sors peu et préfère la tranquillité et le calme de mon petit « chez moi ». Je suis casanière, c’est sans doute ça. Mais aujourd’hui et depuis quelques mois, cette solitude m’est insupportable.

Rien ne bouge dans ma vie : ce frère qui continue de me parasiter, une envie de rompre ce lien du sang sans sens pour moi mais pas la force de le faire encore; ces parents que j’aime mais avec qui je n’arrive plus à communiquer, leur en vouloir pour tout ce qu’ils ne font pas ou auraient du faire…; cette envie d’être amoureuse, d’être aimée à tout prix, rencontrer quelqu’un mais l’impossibilité d’y arriver tant mon mal être est grand; ce travail qui ne m’apporte rien, me stresse, cette remise en question totale d’une vocation…

Je suis là, assise sur mon lit et déjà j’écris : une lettre pour mes parents, pour leur dire qu’ils n’y sont pour rien, que c’est ma décision, la seule qui finalement fait sens à ce moment précis. Peut être la seule envie qu’il me reste en fait… Les mots sortent assez facilement, comme si je la préparais depuis trop longtemps.

Je pleure un peu mais pas tant que ça. Et puis je me lance…  Enfin j’essaie mais je n’arrive pas à me libérer de ce mal-être. J’ai tenté de quitter cette univers angoissant sans succès.

Je me sens bête, nulle, incapable d’aller au bout des choses. Décidément, je rate tout…Et puis je l’appelle. Cette seule personne qui peut me comprendre. Je lui dis que je viens la chercher à son travail. Je l’attends sur le parking. Je lui raconte tout. Elle m’écoute. Puis elle me dit d’aller voir mon médecin, de venir chez elle quelques jours.

J’ai alors commencé ma thérapie. Enfin, quelque chose se passe dans ma vie.

Aujourd’hui…

Je suis maman, j’ai deux enfants, un amoureux depuis 6 ans et un mois. Je viens d’acheter une maison. Je n’ai plus de frère, il est sorti de ma vie. Une thérapie et deux pitchounes plus tard, j’ai appris à pardonner à mes parents. J’ai des projets, des envies.

Et pourtant, je le sais au fond de moi, je reste fragile. Je sens venir ce moment où il est temps de réagir avant d’aller plus mal. J’ai appris à connaitre ces petits signes précurseurs qui annoncent la dépression. J’ai un terrain favorable.

Alors cette semaine, je suis à la maison. Je suis obligée de me reposer car pour lutter contre mes démons, je dois disposer de toutes mes forces. Le repos de l’âme et du corps sont tellement liés. Je ne culpabilise plus de m’écouter, je ne suis pas faible parce que je ne me force plus, au contraire. Je ne peux plus me laisser aller, des gens dépendent de moi maintenant. Je dois être forte pour eux.

Finalement…

La dépression est une maladie avec ses symptômes, ses causes, son traitement. Je ne sais pas si je l’ai complètement vaincue mais je la maîtrise, je la connais par coeur, je la sens venir, je sais agir à temps. Pour autant je sais que je ne serai jamais à l’abri d’une rechute.

Alors je parle, je dis ce qui ne va pas. J’exprime plus facilement ma colère. J’ai arrêté de taire mon mal être. Du moins j’essaie.

Ce qui est important…

  • Ne pas rester seul avec sa douleur. Il y a toujours quelqu’un à qui parler : un ami, un collègue, une soeur, un membre de sa famille, un inconnu (il existe des lignes d’entraide et d’écoute, sos amitié par exemple), un thérapeute…
  • Apprendre à appeler au secours sans en avoir honte, sans avoir peur de déranger, sans minimiser ce qui nous arrive.
  • S’écouter, apprendre à apprivoiser nos faiblesses, en faire notre force !

9 réflexions sur “Fragile…

  1. Comme souvent quand je lis tes billets …..comme je te comprends …. mon mari souffre de cette maladie qui lui ne veut pas maitriser .. pourtant il a tout ce qu’il voulait une épouse 2 enfants mais le mal être est plus profond … l’enfance ! ah l’enfance les fondamentaux …. ceux là même qui font ce que tu es …ce que tu seras …. je m’efforce et m’applique du mieux que je peux sur ces fondamentaux pour que mon fils soit bien dans ses baskets quand il sera grand …. certes je dois faire des erreurs (qui n’en fait pas …. ) …ce n’est pas facile pour la personne malade mais ça ne l’est pas non plus pour l’autre …. impuissante et désarmée face à cette satanée maladie qui ne se voit pas (physiquement) …. Je te souhaite bcp de courage et un grand BRAVO pour ton courage et ton combat je t’embrasse bien fort

    • Merci et courage à toi, à vous ♥
      Et c’est vrai qu’on ne pense pas toujours aux victimes collatérales. Il faut savoir aider, tout en se préservant. C’est compliqué mais faire tout pour que ton fils soit bien dans ses baskets, c’est déjà tellement.
      Encore une fois, courage !

  2. Magnifique témoignage.

    Je ne connais que trop, à la seule différence que je ne peux pas prendre de traitement allopathique, car ils sont trop forts pour moi (j’ai été victime d’un choc sérotoninergique avec UN séropram… donc c’est « plus jamais »…)
    Alors je fais avec les moyens du bord et je suis souvent sur le fil….
    C’est un combat

    • Oui c’est le mot, un combat.
      Et j’imagine que ce doit être compliqué pour toi. J’ai personnellement toujours demandé des traitements « légers » : peur de ne plus tout maîtriser, d’être un zombie. Mais j’avoue que dans les phases les plus sombres, ils m’ont été indispensables.
      Je ne peux donc que t’envoyer tout le courage dont je dispose et même si nous nous connaissons peu, je suis là si tu as juste besoin de parler.

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